Je me demande comment rendre hommage à des auteurs si directs, incisifs, jubilatoires, malgré leur apparente simplicité ? Ceux qui ont tutoyé l’inconscient, l’utopie et l’extraordinaire sourire des jours heureux ?
Dans les arts, la poésie est un de ceux qui m’a le plus frappé au cœur, avec la bande-dessinée. Avant tout car dès l’école primaire, nous fréquentons les auteurs classiques, mais aussi de plus atypiques, comme nos instituteurs qui mettent la main à la patte. Parmi les premiers textes que nous apprenons par cœur, se trouvent des cadeaux donnés par les auteurs. Cet apprentissage du travail de mémoire, à grands coups de techniques d’apprentissage parfois loufoques, spatiales, visuelles, nous a tous marqués dans notre enfance. Avec en Graal de ces études pour les instituteurs : la fameuse autodictée ! (halala, ça en a traumatisé plus d’un...)
Cela représentait une échappatoire pour moi, un soubresaut fantaisiste dans la réalité. Ça l’est toujours, et plus encore quand je peux le mêler à la photo. Les auteurs cités ci-dessous je les ai découvert bien après Jean De La Fontaine, mais quel bonheur de trouver des miroirs de nos esprits. Je vous livre à travers ces génies des mots et des formulations, une part de ce qui constitue mon prisme poétique de photographe.
Andrée Chédid _ Regarder l’Enfance
En écoutant ce puissant guitariste et show-man qu’est « M », on devine qu’un grand auteur a fortement contribué à son succès. Dès ses premiers titres phares, « Je dis aime », « Onde sensuelle », sa grand-mère a posé sa prose écarlate, lumineuse, pleine de bon sens. Matthieu Chedid lui rend souvent hommage, elle a grandement contribué à son succès et à la singularité de ses chansons !
Jusqu’aux bords de ta vie
Tu porteras ton enfance
Ses fables et ses larmes
Ses grelots et ses peurs
Tout au long de tes jours
Te précède ton enfance
Entravant ta marche
Ou te frayant chemin
Singulier et magique
L’œil de ton enfance
Qui détient à sa source
L’univers des regards.
Yves Bonnefoy_L’imperfection est la cime
Il y avait qu’il fallait détruire et détruire et détruire,
Il y avait que le salut n’est qu’à ce prix.
Ruiner la face nue qui monte dans le marbre,
Marteler toute forme toute beauté.
Aimer la perfection parce qu’elle est le seuil,
Mais la nier sitôt connue, l’oublier morte,
L’imperfection est la cime.
Jean Claude Renard_Oracles
Aime sans savoir pourquoi tu aimes
*
Profane sans cesse toute idole
*
Apparaît sous ce qui disparaît
*
Va t’en vers les impossibles couleurs
*
Libre est autre part ce qui est en toi lié
*
C’est prodige que tu puisses penser l’impensable
*
Au bout du mur, l’inaccessible dit ton nom
*
Les pluies neuves sont intérieures
*
Notre parole dépend de notre silence
*
Tout est demeures du secret
*
L’autre est-il l’infini de l’un ?
Paul Eluard_L’égalité des sexes
Tes yeux sont revenus d’un pays arbitraire
Où nul n’a jamais su ce que c’est qu’un regard
Ni connu la beauté des yeux, beauté des pierres,
Celle des gouttes d’eau, des perles en placards,
Des pierres nues et sans squelette, ô ma statue,
Le soleil aveuglant te tient lieu de miroir
Et s’il semble obéir aux puissances du soir
C’est que ta tête est close, ô statue abattue
Par mon amour et par mes ruses de sauvage.
Mon désir immobile est ton dernier soutien
Et je t’emporte sans bataille, ô mon image,
Rompue à ma faiblesse et prise dans mes liens.
Michel Butor _Lectures transatlantiques
Ramper avec le serpent
Se glisser parmi les lignes
Rugir avec la panthère
Interpréter moindre signe
Se prélasser dans les sables
Se conjuguer dans les herbes
Fleurir de toute sa peau
Plonger avec le dauphin
Naviguer de phrase en phrase
Goûter le sel dans les voiles
Aspirer dans le grand vent
La guérison des malaises
Interroger l’horizon
Sur la piste d’Atlantides
Se sentir pousser des ailes
Adapter masques et rôles
Planer avec le condor
Se faufiler dans les ruines
Caresser des chevelures
Brûler dans tous les héros
S’éveiller s’émerveiller
Christine Chevalier
Extrait de « Les moutons de la nuit »
Tu as les gestes d’un petit chat
Qui comprendrait
Le ciel les nuages
Les couleurs des oiseaux
Et les yeux étonnés
De celui qui s’étonne
De la douceur candide
Des yeux du petit chat
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